Laïcité et spiritualité

Par définition, la laïcité est le principe selon lequel il existe une séparation entre la société civile et la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux, et la Religion n’exerçant aucun pouvoir civil. En vertu de ce principe, une société laïque ne favorise aucune religion particulière, mais, parallèlement, ne fait aucune différence entre les communautés religieuses, et naturellement entre leurs membres. Ainsi, tous les citoyens, qu’ils soient croyants ou non, qu’ils appartiennent à une religion ou non, font alors partie d’une seule et même nation, ont les mêmes droits civiques, et doivent s’acquitter des mêmes devoirs. Au cours de l’Histoire, la plupart des pays du monde furent sous l’influence d’une religion dominante, de sorte qu’ils étaient dirigés le plus souvent en fonction des croyances propres à cette religion et des exigences de son clergé. À titre d’exemple, nombre de pays européens furent gouvernés pendant des siècles par des monarchies soumises à l’Église catholique, le roi lui-même étant couronné par le pape ou par l’un de ses représentants directs. À juste titre, on pouvait alors parler de « religion d’État », avec toutes les dérives et toutes les oppressions qui en ont résulté. C’est précisément pour cette raison que nombre de nations en sont venues à instaurer la laïcité dans le fonctionnement de la société.

La spiritualité, de son côté, peut être définie comme la croyance en une dimension spirituelle de l’existence, dimension qui s’apparente à l’âme dans l’homme, et à Dieu dans la Création. Au cours des âges, cette croyance a donné naissance à des religions qui l’ont entretenue sous forme de doctrines et de dogmes, générant ainsi ce que l’on peut désigner sous le nom de « religiosité ». Malheureusement, la plupart des religions ainsi créées ont cherché à étendre leur hégémonie et à revendiquer le monopole de la foi, et même de la vérité. Comme chacun sait, cela a entraîné et entraîne encore nombre de conflits à travers le monde. Il faut préciser également que l’on peut être spiritualiste sans être pour autant religieux, en ce sens que l’on peut admettre l’existence de Dieu sans appartenir à une religion particulière. Enfin, j’ajouterai que si la religiosité est la forme la moins élevée de spiritualité, la forme la plus élevée est le mysticisme, car un mystique authentique ne se limite pas à croire en Dieu et à suivre un credo nécessairement dogmatique ; il étudie aussi les lois par lesquelles Il se manifeste dans la Création. Autrement dit, il aspire à la Connaissance. Contrairement à la religiosité, le mysticisme est donc un vecteur de paix, car il est fondé sur le désir d’étudier, de comprendre et de connaître, ce qui implique d’avoir l’esprit ouvert et d’être tolérant. À cet égard, nul ne peut nier que l’intolérance est la cause majeure des guerres qui ont ravagé et ravagent encore l’humanité.

Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons dire qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre la laïcité et la spiritualité, à condition que chacune respecte l’autre et opère dans le domaine qui lui est propre. En effet, on peut être laïc pour ce qui concerne le fonctionnement et les institutions de l’État, tout en étant spiritualiste au niveau de ses convictions personnelles. Malheureusement, certains idéologues confondent « laïcité » et « athéisme », et sous prétexte de garantir la première, s’emploient à instaurer le second sous la forme d’un laïcisme exclusif. C’est précisément cette confusion qui explique pourquoi la spiritualité est menacée dans certains pays. Quoi qu’il en soit, s’il est indéniable que la religiosité a généré des conflits et des guerres au cours des siècles, elle a donné à l’humanité des valeurs morales et a contribué au développement des arts, de la littérature et même des sciences. À cet égard, on peut se poser la question de savoir comment le monde aurait évolué s’il s’était laissé guider uniquement par l’athéisme. Pour ma part, je suis convaincu qu’il aurait connu davantage de périodes sombres et qu’il ne se serait pas élevé au niveau de conscience qui est le sien actuellement, même s’il est vrai que celui-ci est encore loin d’être idéal. En outre, l’athéisme est le lit du matérialisme, lequel est fondé sur le rejet de toute forme de spiritualité et sur la satisfaction des désirs les moins nobles de la nature humaine (pouvoir, possession, domination, etc.). C’est pourquoi il porte en lui les germes de la discorde et de l’avilissement. Il me semble donc que l’idéal en la matière est d’être un laïc spiritualiste ou, si vous préférez, un spiritualiste laïc.